2 visions, 1 réalité
PUBLIC CIBLE
Élèves âgés de 14 à 18 ans
COMPÉTENCES INTERCULTURELLES
- valorisation/respect d’autrui
- valorisation/respect de la différence culturelle et de la diversité
- valorisation/respect d’autres cultures et de l’altérité culturelle
- tolérance
- tolérance de l’ambiguïté
- empathie et décentration
- réflexion critique sur la culture
- comportement interculturel
- pensée critique
- multiperspectivité
- connaissance et compréhension de la culture en général
OBJECTIF D’APPRENTISSAGE
- Faire prendre conscience aux participants qu’une même réalité peut être perçue très différemment selon les personnes, notamment dans un contexte interculturel
DURÉE
30 minutes
MATÉRIEL NÉCESSAIRE
- deux lettres (voir Annexe 1), imprimées et découpées en 10 morceaux, correspondant aux 10 paragraphes de chacune. Chaque morceau est numéroté en fonction de son ordre d’apparition dans la lettre.
DÉROULEMENT DE L’ACTIVITÉ
- L’animateur explique l’histoire de Xavier et Tabarlis. Le premier, habitant de la planète terre, est parti visiter une autre planète (la planète Glorbuld, où il a été accueilli par Tabarlis). De retour de voyage, Xavier écrit une lettre à son ami Vincent pour lui raconter son expérience. De son côté, Tabarlis écrit une lettre à son ami Verlias pour lui raconter l’accueil du groupe de terriens.
- L’animateur a, au préalable, découpé les deux lettres en petits morceaux, chaque morceau portant un numéro. Chaque numéro correspond à un épisode du voyage (l’arrivée, la rencontre, différentes anecdotes…). Chaque participant se voit remettre un morceau d’une des deux lettres
- Il est ensuite invité à lire à voix haute son bout de lettre, en commençant par le numéro 1 de la lettre de Tabarlis, puis le numéro 1 de la lettre de Xavier, et ainsi de suite. Ainsi, les deux visions d’un même épisode (par exemple l’arrivée) sont immédiatement confrontées.
- Quand tous les participants ont lu leur texte, l’animateur « débriefe » et invite les participants à réagir sur les malentendus, les quiproquos et parfois les préjugés ou jugements qui peuvent « bloquer » ou « blesser » la relation.
Les élèves doivent comprendre que nous avons tous une représentation différente d’une même réalité, en fonction de notre vécu, de notre culture, du contexte, et de notre propre perception de la vie ; il s’agit en quelque sorte de « lunettes » personnelles à travers lesquelles nous voyons et comprenons le monde. Ces représentations influencent alors directement notre rencontre avec l’autre.
Lors d’une rencontre, si des préjugés sont identifiés, on peut tenter de les dépasser pour établir une relation allant au-delà des stéréotypes véhiculés par notre société. Pour cela, il est essentiel de savoir « se décentrer », c’est-à-dire identifier quelles sont nos représentations, quelles sont les lunettes qui nous permettent de voir le monde, et prendre le recul nécessaire pour en changer, essayer d’avoir une perception différente des choses, et transformer ainsi la vision que l’on peut avoir de l’autre.
RECOMMANDATIONS / CONSEILS
Contextualisez cette activité en expliquant comment elle peut être utile aux élèves lors de leur propre mobilité.
Cette animation permet une prise de conscience, avant le départ, que nos ressentis sont guidés par notre vécu et notre culture, et que si lors du voyage on ne dépasse pas ces ressentis, on peut passer à côté de la réalité et de la découverte de l’autre.
RÉFÉRENCES
CCFD Terre Solidaire, Visa pour le voyage, http://ccfd-terresolidaire.org/mob/nos-outils-d-animation/visa-pour-le-voyage/
ANNEXE 1
LETTRE DE TABARLIS À SON AMI VERLIAS
- Bonjour Verlias,
J’espère que tu vas bien, que tu as la santé, ainsi que toute la famille et tous tes amis. Tu te rappelles que je t’avais parlé d’un groupe de jeunes qui devait venir de la planète Terre, d’un petit coin appelé la France ? On vient donc de passer 24 cycles ensemble et j’ai des tas de choses à te raconter. - À l’arrivée, il y a eu visiblement une incompréhension. Puisqu’on ne pouvait pas rentrer dans le spatioport, on avait chargé des personnes qui travaillaient là-bas de les aider à porter leurs bagages jusqu’à l’extérieur, mais ceux-ci se sont fait rabrouer assez vertement. Ils étaient vraiment surpris de cette réaction et n’ont pas voulu revoir les Terriens par la suite. Moi j’avoue que je n’ai pas osé reparler de cet épisode avec eux.
- Ils ont voulu commencer la construction de l’école tout de suite et je me suis rapidement aperçu qu’il y avait des tensions avec les ouvriers du village. Ceux-ci étaient forcément moins pressés de finir le chantier que les Terriens parce qu’ils étaient payés à la journée. Plus le chantier durait, plus ils auraient donc d’argent ! Et comme c’était souvent leur seule source de revenu, ils dosaient leur effort. D’ailleurs, après quelques insolations, les Terriens se sont rendus compte que c’était pas très efficace de travailler quand les 2 soleils sont au plus haut dans le ciel…
- Ce n’était pas la seule fois où on les a sentis très impatients. Quand on se déplaçait, ils trépignaient toujours en attendant que le Zamourion se remplisse. Il paraît que chez eux, les transports en commun partent à heure fixe, même s’ils ne sont pas pleins ! Je me demande vraiment comment les conducteurs font pour gagner leur vie…
- Ils ont fait quelque chose de bizarre un jour, ils se sont mis à enterrer des cannettes dans le sol ! J’ai failli dire que c’était dommage parce que les gens qui les ramassaient dans la rue pour revendre l’aluminium ne les trouveraient pas, mais je n’ai pas osé. C’est peut-être une pratique rituelle de chez eux… Ah oui, ils disaient qu’ils trouvaient ça dégoûtant. Je t’avoue qu’il y a quelque chose qui m’a répugné chez eux, c’est leur manière de se moucher. Au lieu de rejeter les déchets de leur corps dans la nature, ils le gardent soigneusement dans un papier. Beurk !
- Un jour, j’ai été très mal à l’aise. Une des filles du groupe a pris à partie le chef d’un village qu’on traversait, lui demandant pourquoi les femmes mangeaient à l’écart des hommes, pourquoi les enfants n’avaient pas le droit de parler à table, etc. Franchement, je te dis que les Terriens ne respectent pas les vieux. Ils m’ont dit que chez eux, ils les mettaient tous ensemble dans des maisons spéciales !
- En plus, non seulement ils négligent leurs ancêtres, mais ils ne respectent pas non plus les dieux ! Un jour, l’un d’eux nous a dit le plus simplement du monde : « De toute façon moi je suis athée ». On s’est regardé sans pouvoir dire quelque chose. On savait tous ce que ça voulait dire mais on n’avait jamais rencontré quelqu’un qui remettait en cause l’existence des Dieux !
- Un autre jour, ils se sont mis en colère contre Limbatan sans qu’on comprenne vraiment pourquoi. Limbatan devait apporter des Dimbzi pour la fête de départ mais il a dû rester chez lui parce que comme il est un des seuls à avoir la télé, un voisin était venu la regarder chez lui. Ce n’était pas grave, il y avait plein d’autres choses à manger et on est ressorti de table le ventre plein. Pourtant ce détail a vraiment énervé les Terriens. Mais tu comprends comme moi que Limbatan ne pouvait pas faire autrement ! S’il était parti, tout le quartier en aurait conclu qu’il n’avait aucun respect pour les gens qui venaient lui rendre visite !
- Quand j’y repense, peut-être que les Terriens étaient tendus parce qu’il y avait des querelles à l’intérieur du groupe. J’ai bien observé et je n’ai jamais vu les deux garçons se prendre la main ou avoir le moindre contact physique. Je pense qu’ils n’étaient pas très amis.
- Tu vois ça n’a pas été facile tous les jours et on a même été à deux doigts du clash par moments. Mais je te rassure, on s’est aperçu qu’on avait aussi plein de points communs et tout s’est bien terminé. Je m’aperçois que j’ai été un peu négatif mais on a vraiment vécu des moments extraordinaires que je te raconterai dans une nouvelle lettre. Il faut que je retourne avec ma famille, ça fait plus d’une heure que je suis tout seul à écrire, et comme tu t’en doutes, ils commencent à trouver ça bizarre…
LETTRE DE XAVIER À SON AMI VINCENT
- Salut Vincent,
Alors comment ça va ? Sympa cet été passé à réviser les concours ? OK, c’est pas drôle. Moi tu sais que je reviens de la planète Glorbuld où j’ai passé un mois (Terrien) avec Karen, Sophie et Mehdi. On a vécu trop des trucs de ouf, faut que je te raconte. - Dès qu’on a atterri au spatioport, les embrouilles ont commencé. Plusieurs personnes ont voulu nous aider à porter nos valises… soi-disant. Heureusement qu’on nous avait bien dit d’être vigilants à cause des vols. On a d’abord refusé courtoisement et comme ils insistaient, on s’est montré un peu plus fermes. Du coup, ils sont partis visiblement déconfits d’avoir raté leur coup. On l’a échappé belle ! Et on a rejoint nos contacts qui nous attendaient à l’extérieur du spatioport.
- On a voulu commencer le projet dès le lendemain parce qu’on avait un planning à respecter. On a donc débuté la construction de l’école et je peux te dire qu’on s’y est mis à fond ! Le problème, c’est qu’on s’est vite aperçu que les Glorbuldiens qui travaillaient avec nous n’avaient pas le même entrain, et il y a même des moments où on avait vraiment l’impression qu’ils nous mettaient des bâtons
dans les roues ! Incroyable, alors qu’on fait ce projet pour eux ! - De toute façon, tout est lent là-bas. Les transports en commun par exemple (des petits bus tous pourris qu’ils appellent Zamourion). S’ils t’indiquent un horaire de départ, t’es sûr que tu peux rajouter au moins 2 heures. Et quand tu demandes quand est-ce qu’on va partir, on te répond invariablement « Bientôt ! ». Comme ça énerve je te jure.
- Bon, et côté hygiène, je t’en parle pas. Ils balancent tout par terre sans aucun souci de l’environnement. Au début on voulait bien faire, on ramassait nos cannettes. Comme on ne savait pas quoi en faire, on a commencé à les enterrer pour que ça soit moins crade, puis on a fi ni par baisser les bras. Et tu veux que je te dise comment on se mouche à la Glorbuldienne ? T’appuies sur une narine et tu souffles un grand coup. La grande classe !
- De toute façon, y a pas à tortiller, ils ont quand même au moins 50 ans de retard sur nous. Au niveau droits de l’homme c’est criant. Ou plutôt droits de la femme et de l’enfant, parce qu’ils ne sont pas à la fête là-bas je te jure. Tu connais Karen, un brin féministe n’est-ce pas ? Un jour elle a eu une discussion très franche avec un chef de village là-dessus. Je ne sais pas s’il a vraiment compris, en fait il n’a pas trop réagi.
- Autre exemple sur leur côté un peu « en retard ». Un jour, on traverse une région marécageuse et un des jeunes qui nous accompagnait nous dit le plus simplement
du monde : « Ici, il y a un homme qui se transforme en crocodile ». On s’est regardé un instant tous les quatre mais on a vite tourné la tête chacun de notre côté pour éviter le fou rire général. On s’est contrôlé mais c’était moins une. - Le même jeune nous a franchement agacés une autre fois. C’était la fin du séjour, on avait organisé une grande soirée avec tous ceux que l’on avait rencontrés. On s’était réparti les préparatifs et il devait apporter des Dimbzi, une volaille de là-bas vraiment succulente. Et en fait, il n’est jamais venu. Je peux te dire que le lendemain, quand on l’a vu, on lui a remonté les bretelles parce que c’était un manque de respect flagrant envers nous. Tu sais ce qu’il nous a répondu ? Qu’il avait dû rester chez lui parce qu’un ami était venu regarder la télé ! Plus bidon que ça comme excuse, tu ne trouves pas. De toute façon, tant qu’ils ne seront pas plus sérieux et plus fi ables, ils n’arriveront pas vraiment à se développer.
- Tiens, un dernier truc dingue, j’ai jamais vu autant d’homosexuels de ma vie ! Y a plein de mecs qui se tiennent par la main dans la rue. Un jour, un des jeunes avec qui on était souvent a voulu me prendre la main, je peux te dire qu’il n’y est pas revenu 2 fois ! Tu vois ça n’a pas été facile tous les jours et on a même été à deux doigts du clash par moments. Mais je te rassure, on s’est aperçu qu’on avait aussi plein de points communs et tout s’est bien terminé. Je m’aperçois que j’ai été un peu négatif mais on a vraiment vécu des moments extraordinaires que je te raconterai dans une nouvelle lettre. Là j’ai plus le temps, je suis déjà en retard pour ma leçon de conduite d’aéronef.